
Dr Volker Strobel, chercheur postdoctoral ; Pr Marco Dorigo, directeur de recherche du FRS-FNRS ; et Alexandre Pacheco, doctorant. Les chercheurs de l’Université Libre de Bruxelles, Belgique. Crédit : IRIDIA, Université Libre de Bruxelles
Dans un nouvelle étude, nous démontrons le potentiel de la technologie blockchain, connue des crypto-monnaies telles que Bitcoin et Ethereum, pour sécuriser la coordination des essaims de robots. Dans des expériences menées avec des robots réels et simulés, nous montrons comment la technologie blockchain permet à un essaim de robots de neutraliser les robots nuisibles sans intervention humaine, permettant ainsi le déploiement d’essaims de robots autonomes et sûrs.
Les essaims de robots sont des systèmes multi-robots composés de nombreux robots qui collaborent pour effectuer une tâche. Ils n’ont pas besoin d’unité de contrôle centrale mais le comportement collectif de l’essaim est plutôt le résultat d’interactions locales entre robots. Grâce à cette décentralisation, les essaims de robots peuvent fonctionner indépendamment des infrastructures externes, comme Internet. Cela les rend particulièrement adaptés aux applications dans un large éventail d’environnements différents, tels que le sous-sol, l’eau, la mer et l’espace.
Même si les applications actuelles de la robotique en essaim sont exclusivement démontrées dans des environnements de recherche, les experts prévoient que dans un avenir non lointain, les essaims de robots nous soutiendront dans notre vie quotidienne. Les essaims de robots pourraient effectuer la surveillance de l’environnement, l’exploration sous-marine, l’inspection des infrastructures et la gestion des déchets, et ainsi apporter une contribution significative à la transition vers un avenir sans fossiles, avec une faible pollution et une qualité de vie élevée. Dans certaines de ces activités, les essaims de robots surpasseront même les humains, conduisant à des résultats de meilleure qualité tout en garantissant notre sécurité.
Cependant, une fois que les essaims de robots sont déployés dans le monde réel, il est très probable que certains robots d’un essaim tombent en panne (par exemple, en raison de conditions météorologiques difficiles) ou soient même piratés. De tels robots ne se comporteront pas comme prévu et sont appelés robots « byzantins ». Des recherches récentes ont montré que les actions d’une très petite minorité de ces robots byzantins dans un essaim peuvent – à la manière d’un virus – se propager dans l’essaim et ainsi détruire l’ensemble du système. Bien que les questions de sécurité soient cruciales pour le déploiement réel d’essaims de robots, la recherche sur la sécurité dans le domaine de la robotique en essaim reste à la traîne.
Dans les réseaux Internet, les utilisateurs byzantins, tels que les pirates informatiques, ont été empêchés de manipuler les informations grâce à la technologie blockchain. La technologie Blockchain est la technologie derrière Bitcoin : elle permet aux utilisateurs de se mettre d’accord sur « qui possède quoi » sans avoir recours à un tiers de confiance tel qu’une banque. À l’origine, la technologie blockchain était uniquement destinée à échanger des unités d’une monnaie numérique, telle que le Bitcoin. Cependant, quelques années après la sortie de Bitcoin, des contrats intelligents basés sur la blockchain ont été introduits par le framework Ethereum : ces contrats intelligents sont du code de programmation exécuté dans un réseau blockchain. Comme personne ne peut manipuler ou arrêter ce code, les contrats intelligents permettent « le code fait loi » : les contrats sont automatiquement exécutés et ne nécessitent pas l’intervention d’un tiers de confiance, tel qu’un tribunal, pour être appliqués.
Jusqu’à présent, il n’était pas clair si les grands essaims de robots pouvaient être contrôlés à l’aide de la blockchain et des contrats intelligents. Pour répondre à cette question ouverte, nous avons présenté une étude approfondie avec des robots réels et simulés dans un scénario de détection collective : le but de l’essaim de robots est de fournir une estimation d’une caractéristique environnementale. Pour ce faire, les robots doivent échantillonner l’environnement, puis se mettre d’accord sur la valeur de la fonctionnalité. Dans nos expériences, chaque robot est membre d’un réseau blockchain maintenu par les robots eux-mêmes. Les robots envoient leurs estimations des caractéristiques environnementales à un contrat intelligent partagé par tous les robots de l’essaim. Ces estimations sont agrégées par le contrat intelligent qui les utilise pour générer l’estimation demandée de la caractéristique environnementale. Dans ce contrat intelligent, nous avons mis en œuvre des mécanismes économiques qui garantissent que les bons robots (non byzantins) sont récompensés pour l’envoi d’informations utiles, tandis que les robots byzantins nuisibles sont pénalisés. L’économie robotique qui en résulte empêche les robots byzantins de participer aux activités de l’essaim et d’influencer le comportement de l’essaim.
L’ajout d’une blockchain à un essaim de robots augmente les besoins informatiques des robots, tels que l’utilisation du processeur, de la RAM et de l’espace disque. En fait, la question restait ouverte de savoir si l’exécution d’un logiciel blockchain sur de véritables essaims de robots était possible. Nos expériences ont démontré que cela est effectivement possible car les exigences de calcul sont gérables : l’utilisation supplémentaire du processeur, de la RAM et de l’espace disque a un impact mineur sur les performances du robot. Cette intégration réussie de la technologie blockchain dans les essaims de robots ouvre la voie à un large éventail d’applications robotiques sécurisées. Pour favoriser ces développements futurs, nous avons publié nos frameworks logiciels en open source.
Université Libre de Bruxelles